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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 14:00

  Un argument que l'on entend souvent pour expliquer le déficit commercial français est que le coût de la main d'oeuvre est trop important pour les entreprises dans notre pays par rapport aux autres (comme l'Allemagne). Il faudrait donc réduire ce coût pour qu'elles soient plus performantes dans le commerce international. Vaste débat, bien souvent rempli d'aprioris idéologiques à base d'employés fainéants, d'Etat racketteur et de patrons assoiffés d'argent  Mais que disent les chiffres ?

 

 

  Par chance une récente étude de l'INSEE a pour sujet une comparaison des coûts de la main d'oeuvre au niveau européen de 1996 à 2008.

http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/EMPSAL12e_D3_CMO.pdf

 

 

Commençons par le commencement et définissons le coût de la main d'oeuvre :

    Il s'agit de l'ensemble des dépenses qu'encourt l'entreprise pour l'emploi d'un salarié

 

  salaires brutes + cotisations sociales + frais de formation + taxes sur les salaires + tous les frais annexes - subventions

 

 

Ci-dessous les tableaux recapitulatifs par secteur d'activité.

 

 

cout salaire

 

 

 

 

  En analysant naïvement ce tableau, on pourrait donc dire que plus le coût de la main d'oeuvre est élevé, plus le pays s'en sort bien économiquement... Evidemment ça serait stupide, par contre ce qui l'est moins c'est de voir que le coût du travail en France est inférieur dans l'industrie à celui de l'Allemagne (et très proche dans les services marchands mais ils comptent beaucoup moins dans la balance commerciale). Hors l'Allemagne est un exemple de réussite commercial dans le domaine industriel.

 

 

      En fait, le résultat est sans appel, le cout de travail n'a rien à voir avec les exportations des pays et leur réussite économique. Il n'est au mieux qu'un facteur marginal influant sur la compétitivité économique d'un pays développé. Vouloir absolument jouer là-dessus ne résoudra donc rien tout en déformant le partage de la production des richesses au profit des détenteurs de capitaux et au détriment de l'efficience économique (je vais finir par devenir marxiste).

 

 

  Intéressons nous à l'évolution de ce coût. En 1996, l'Allemagne avait le coût du travail  le plus élevé d'Europe dans l'industrie manufacturière. Ce coût a augmenté un peu moins vite sur la période 1996 - 2008 que dans les autres pays, il n'empêche que sur cette période l'Allemagne s'est retrouvée régulièrement à la première place des exportateurs internationaux.

 

 

 

On pourrait dire "oui mais ce qui compte pour l'entreprise c'est le coût de l'employé par rapport à sa productivité". Et ça serait très juste. On parlera alors de "coût salarial unitaire".

 

Par exemple en Grèce, sur la période 1996 - 2008, la productivité a très peu augmenté alors que le coût de la main d'oeuvre explosait provoquant une augmentation importante du "coût salarial unitaire" et expliquant en partie ses problèmes actuels.

 

    En revanche, pour la France et l'Allemagne, le coût salarial unitaire est très proche et a baissé sur la période 1996 - 2008 d'en moyenne -0.5% à -0.7% chaque année. Autrement dit, la productivité des employés de ces deux pays compensent très largement le coût de la main d'oeuvre, et ça n'est donc pas sur ces critères que l'Allemagne réussit mieux que nous.

 

   Au passage, il est important de remarquer qu'en France, le "coût du travail unitaire" a baissé majoritairement sur la période 1996 - 2000, pendant le passage aux 35h. Ce qui veut dire qu'il est clairement faux de dire que les 35h ont plombé les finances des entreprises françaises.

 

 

  La seule vraie différence que l'on peut sortir de cette étude de l'INSEE par rapport à l'Allemagne porte sur le coût du travail par taille d'entreprise. En Allemagne le travail coût bien plus cher dans les grandes entreprises que dans les petites, c'est aussi le cas chez nous mais dans une moindre mesure. Une bonne idée serait de rééquilibrer ce coût pour soulager les petites et moyennes entreprises.

 

 

cout-par-taille.jpg

 

 

 

 

 

 

Mais si notre manque de compétitivité ne provient donc ni du coût du travail pour les entreprises ni de notre productivité, d'où provient-il alors ?

 

 

 Opinion personnelle :

 

  J'ai bien peur que la réponse soit plus complexe et longue à mettre en place que les paramètres analysés ci-dessus car il faut aller regarder du coté de la compétitivité hors prix. C'est à dire les décisions stratégiques, la qualité des produits, la recherche et l'innovation, l'image des marques etc... En se focalisant sur la compétitivé prix, on se focalise sur du court terme au détriment de ces éléments qui demandent des politiques et des stratégies d'investissements à moyen/long terme et une main d'oeuvre qui fasse partie de l'ensemble au lieu d'en être la variable d'ajustement.

 

 

Bref pour résumer "on est mauvais" :

- mauvais dans nos dirigeants et nos élites économiques qui ont fait des choix stratégiques non payant (ou n'ont rien fait du tout pour la plupart d'ailleurs)
- mauvais dans l'innovation et le renouvellement du tissu économique
- mauvais dans la culture d'entreprise, son fonctionnement et les relations salariés/management


Ce ne sont pas des choses faciles à changer car cela demande des politiques qui se focalisent sur une vision à long terme, investissent dans les secteurs d'avenirs et arretent de se focaliser sur des problèmes qui n'en sont pas.

 

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